Moments de bascule ? Résister avec le Droit !

La période est sombre.

Mais l’INSEE nous indique que "72% des Français se disent heureux", selon une étude  publiée le 19 février. Le niveau de satisfaction dans la vie des Français est stable depuis dix ans. Il est même de 76% pour les 16-29 ans. Pourtant la célèbre citation d’Antonio Gramsci demeure d’une actualité brulante : "Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître, et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres". Avec le retour du Trump au pouvoir, l’idéologie techno capitaliste fascisante remet progressivement en cause les règles fragiles du droit international laborieusement élaborées depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Tout semble converger, un peu partout à travers le monde, pour imposer cyniquement la loi du plus fort pour se partager les médias, la technologie, les matières premières et les richesses au détriment des droits humains des peuples.

Plus que jamais depuis huit décennies, la voie est ouverte à un de sphère d’influence entre les autocrates chinois, russe et américain. Le Président Macron s’agite mais n’est pas à la hauteur de la situation. la volonté affichée de protéger le continent européen de "l’internationale réactionnaire" (dixit Macron) est minée par une adhésion à un néolibéralisme atlantiste. L’extrême droite s’engouffre dans une complicité à peine masquée avec les obsessions xénophobes, le mépris de l’état de droit et le rejet de toute contrainte multilatérale affichés par le trumpisme.

Jamais depuis Hitler et Staline, le mensonge, la manipulation de l’information, les fausses nouvelles n’ont autant été érigés en système politique. Ajoutons que l’extrême droite allemande, l’AFD, ouvertement soutenue par Musk et Trump, a rassemblé 20,8 % des voix aux élections. L’Europe est rongée par un populisme d’extrême droite de plus en plus fort. Trois ans après le début de la guerre, non seulement les Ukrainiens et l’Europe ont perdu l’appui des États-Unis mais ils n’ont pas élargi leur soutien dans le reste du monde.

Les accolades, rigolades et tutoiement entre Macron et Trump le 24 février n’y ont rien changé. La différence de point de vue s’est traduite dans l’enceinte de l’ONU à l’occasion du vote de plusieurs résolutions. En 2022, sur 193 états membres, 141 pays votaient en faveur d’une résolution condamnant la guerre déclenchée par Poutine. Seuls 4 pays avaient rejoint Moscou pour voter contre : la Corée du Nord, l’Érythrée, la Syrie et la Biélorussie. Cette semaine, la résolution préparée par l’Ukraine et les Européens n’a été adoptée que par 93 voix pour, 18 contre et 65 abstentions. L’évolution provient de  la volte-face des États-Unis entrainant notamment le Mali, le Nicaragua, Israël ou la Hongrie.

Au conseil de sécurité, les États-Unis ont enregistré une victoire en faisant adopter leur texte après le refus des amendements portés par les pays européens pour introduire une référence à l’agression russe et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. La résolution a été adoptée par 10 voix pour, 5 abstentions (les 5 pays européens, dont la France et l’Angleterre qui n’ont pas actionné leur veto) et aucune voix contre.

A l’instar du Brésil, les pays d’Amérique du Sud qui avaient massivement voté en faveur de la résolution de 2022 (à l’exception de la Bolivie qui avait voté blanc) se sont aujourd’hui majoritairement abstenus. En Afrique où les pays étaient partagés en 2022 entre un vote en faveur de la résolution et l’abstention, la tendance est nettement plus claire : seulement 7 pays ont voté pour en février 2025 contre 22 trois ans plus tôt. Les pays arabes sont passés d’une position engagée au côté de l’Ukraine à l’abstention. Seule la Syrie a changé son vote de pro-Poutine de 2022 en une abstention en 2025. Ce qui frappe, c’est l’ampleur des abstentions en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans le monde arabe.

Cette  évolution n’est pas surprenante. Si l’on veut faire respecter le droit international, retrouver le multilatéralisme, le "reste du monde" ne peut être écarté, comme cela a été le cas ces dernières années : COPs sur le climat non conclusives sur les aides, guerre à Gaza, au Congo, invasion du Liban et du sud de la Syrie… sans que cela mobilise les principes et les pays occidentaux. Si l’Europe ne veut pas être seule face à Poutine, et maintenant face à Trump, elle doit sortir de ces politiques à deux vitesses et travailler avec le reste du monde.

Préserver l’Etat de droit en France

Cette semaine est marquée par trois décisions juridiques importantes qui révulsent les droites, les extrêmes droite et tous les pseudo experts des plateaux de télévisions.

1/ Le tribunal administratif de Toulouse juge qu’il n’y a "aucune raison impérative d’intérêt majeur" à la construction de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse alors qu’une route nationale aménageable lui est parallèle. Lire ICI.

2/ Ce même jeudi, la cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour violation du droit à la vie, responsable de la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014 par une grenade lancé par les gendarmes lors d’une manifestation sur le chantier du barrage de Sivens dans le Tarn. Lire ICI

3/ La confirmation de l’interdiction pour la chaine C8 du groupe Bolloré d’utiliser les canaux de fréquence public de la TNT pour non-respect des règles déontologiques, non maitrise de l’antenne par certains animateurs et diffusion de fausses informations. Contrairement à ce qui se braille en de nombreux endroits, il ne s’agit pas ici de restriction de la liberté d’expression. Les chaines privées ne peuvent émettre que grâce aux fréquences publiques. Elles doivent donc respecter un cadre déontologique conforme aux lois et à la constitution. La liberté d’expression n’a rien à voir avec les propos racistes, antisémites, misogyne, l’incitation à la haine tout en refusant un véritable pluralisme des opinions.

 Derrière les déchainements des droites contre ces trois décisions c’est la remise en cause du droit et les organismes qui ont la charge de le faire respecter : l’Arcom, le Conseil d’état, la Cour européenne de justice. La droite Retailleau-Darmanin-Wauquiez, en osmose avec les extrêmes droites n’hésitent plus à fustiger l’état de droit et le droit international, des agences comme l’agence bio, ou l’agence de sécurité des aliments, du travail et de l’environnement. Retailleau bafoue les conventions internationales dans ses rodomontades contre le gouvernement Algérien.

Et sur un autre aspect, où sont les droits des enfants quand le premier ministre se dit "victime d’une mécanique du scandale". alors que les victimes sont les anciens élèves qui ont subi les violences et les viols. François Bayrou a refusé d’entendre et de voir des faits ignobles parce que ses croyances l’ont conduit à protéger l’institution dans laquelle sa femme enseignait le catéchisme. Comment d’ailleurs promouvoir le "aimez vous les uns les autres" en entendant des cris d’enfants dans la salle d’à côté ? Dans ces affaires sordides, comme pour celle concernant l’abject Le Scouarnec, violeur de centaines d’enfants très jeunes, le grand oublié reste le droit de l’enfant à protéger.

Le respect du droit est un combat politique entre les nationalistes réactionnaire et les progressistes : Droits humains fondamentaux, droit international, droit de l’environnement, droits des femmes, droit des enfants, droit social, droit au logement, droit à une information pluraliste, droit de mourir dans la dignité. C’est la démocratie et la citoyenneté réelle qui sont en jeu.

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