Maîtrise publique de l’eau potable : empêcher l’accord de la honte au bénéfice des actionnaires du groupe SUEZ
Lettre ouverte aux maires, aux conseillers communautaires et municipaux de Cœur d’Essonne Agglomération
Mesdames et Messieurs nos élu·e·s ;
Le risque est grave, mais heureusement pas certain : si habitants et élus réagissent à temps avant le 13 décembre 2024, nous éviterons un "accord" nous condamnant jusqu’en 2045 au racket exorbitant des actionnaires de Suez. Un accord qui nous ramènerait aux heures les plus sombres de l’instrumentalisation des services publics locaux au profit des multinationales. Un accord qui renierait le chemin parcouru depuis 10 ans en Essonne pour redonner à notre eau potable sa place de bien commun.
De quoi s’agit-il et où en sommes-nous ?:
En 2022, notre agglomération Cœur d’Essonne a créé avec les agglomérations voisines (Grand Paris Sud, Val d’Yerres-Val de Seine, Grand Orly Seine Bièvre) le Syndicat Eau du Sud Francilien (SESF) pour la production d’eau potable , avec 3 objectifs réalistes:
1 - Instaurer tous ensemble un meilleur rapport de force face à l’abus de position dominante de Suez
2 – Recouvrer rapidement la réappropriation publique du réseau qui nous dessert en eau potable à partir de nos 3 usines de captage et potabilisation d’eau de la Seine (Morsang/Seine, Viry, Vigneux)
3- Parvenir enfin à une facturation conforme au coût réel de production de notre eau potable.
L’accord prévu par l’administration du SESF trahirait ces 3 objectifs. Jugez-en :
1- Abus de position dominante
L’accord a été rédigé selon les conditions et dans les termes exigés par Suez dans sa dernière "offre" (plutôt un ultimatum):
- mise à l’écart totale des usagers et leurs élus au prétexte du "secret des affaires",
- discussion à partir de données tronquées (ex : Suez refuse toujours de communiquer les données obligatoires sur l’état des usines et réseaux).
Alors que l’heure est à la sobriété et la gestion raisonnée de l’eau, le texte engage les élus locaux à accroitre la consommation globale du réseau, et à jouer les rabatteurs d’autres collectivités afin d’augmenter les marges de Suez. L’accord prévoit aussi que les élus renoncent pour 20 ans à tout recours, toute critique et toute rediscussion des pratiques de Suez. Usagers et élus passeraient ainsi du statut de victimes à celui de collaborateurs actifs de la marchandisation de l’eau potable.
2 – Propriété
Nos 3 usines ont été construites depuis 120 ans pour répondre aux besoins croissants de nos services publics locaux en eau potable ; elles sont squattées aujourd’hui par Suez qui n’a jamais pu produire le moindre titre de propriété pour elles. Le coût de leur construction et de leur modernisation est largement amorti grâce à nos factures d’eau, justifiant leur restitution aux services publics locaux.
L’accord prévu contredit totalement ces données: il affirme que Suez est bien propriétaire de nos usines et il prévoit que nos collectivités s’endettent pour les racheter au prix fort : 240 millions d’euros, soit le prix d’une nouvelle usine en capacité de répondre aux besoins de l’ensemble de territoires ! Plus choquant encore, il prévoit de payer dès aujourd’hui la moitié de cette somme, et le reste par acomptes annuels, pour ne récupérer ces usines qu’en 2045. Soit un endettement record de nos collectivités étranglées financièrement, pour une « jouissance différée »(sic) aux calendes grecques de la propriété de notre patrimoine ! C’est bien cher payer pour une prise d’otage.
3 - Prix:
Toutes les études produites sur le coût de l’eau potable produite par nos 3 usines du réseau interconnecté du sud francilien (RISF) ont conclu à un coût inférieur à 50cts au mètres cube, alors que Suez la facture en moyenne le double à nos régies . Des études suffisamment étayées pour amener notre SESF à voter en décembre 2023 de régler unilatéralement l’eau livrée par Suez à ce prix de 50cts.
Revirement à 180° : l’accord négocié à notre insu prévoit de rehausser ce prix à 87 cts au mètre cube (soit une surfacturation de +74% dès janvier 2025), plus une clause de revalorisation annuelle très favorable à Suez. Là encore, avec l’interdiction de rediscuter ce tarif pendant 20 ans. Soit une surfacturation de 405 Millions d’euros en 20 ans. Total des cadeaux aux actionnaires de Suez (rachat anticipé d’usines déjà payées + surfacturation de l’eau vendue) 655 millions d’euros. Même dans leurs rêves les plus fous, les dirigeants de Blackrock (aujourd’hui le principal actionnaire de Suez) ne s’attendaient pas à une telle complaisance de nos collectivités.
Mesdames et Messieurs les élu·e·s :
-Comment accepter qu’un marché aussi déséquilibré et d’une telle durée soit passé à votre insu, au mépris des règles de transparence et de bon usage des deniers publics qui s’imposent par ailleurs pour le moindre achat public ?
- Comment expliquer un revirement et un reniement aussi brutaux des engagements pris il y a à peine 2 ans lors de la création du SESF ?
Nous aurons probablement des explications diverses quant à leurs causes. Cela ne doit pas nous empêcher de réagir ensemble à temps pour rappeler aux dirigeants du SESF leur mandat : faire prévaloir l’intérêt général face au diktat des actionnaires.
Nous comptons sur vous pour éviter un "accord" pathétique, qui serait synonyme de déshonneur, de servitude volontaire et de discrédit pour le monde politique local.
Nous comptons sur vous pour refuser que le sud francilien devienne le symbole du renoncement sans combattre, et pour au contraire consacrer l’eau comme un bien commun vital, sous maîtrise publique, affranchir la satisfaction de nos besoins sociaux des ambitions des multinationales.
IL NOUS RESTE 2 SEMAINES POUR EVITER LE PIRE
Michel Bisson, en accord avec MM. Eric Braive et François Durovray, convoque à huis-clos, LUNDI 9 DECEMBRE, à 8 Heures au siège de Grand Paris Sud à Evry-Courcouronnes, 505 place des Champs Elysées, les autres délégués du SESF pour s’assurer qu’ils avaliseront cet accord et le voteront officiellement le 13 décembre suivant. D’ici là, et le jour même devant la porte, exigeons, exigez de ces personnes qu’ils honorent leur mandat. Mobilisons tous nos réseaux à cette fin.
Nous comptons sur vous pour exiger à contrario que, conformément aux engagements pris, tous les moyens disponibles soient enfin mobilisés pour faire prévaloir l’intérêt général, et concrétiser les avancées réalisées. Et ces moyens sont nombreux et solides :
* Organiser enfin la consultation publique qui démontrera l’ampleur du soutien populaire à l’exigence d’une maîtrise publique de l’eau ; un soutien qui renforcera considérablement la position des élus face aux actionnaires.
* Saisir enfin, comme promis et voté il y a 7 mois, l’Autorité de la Concurrence qui a d’ores et déjà engagé des investigations, suite au signalement de notre association, sur les abus de Suez.
* Relancer la préfète de l’Essonne (qui "étudie" actuellement la question) pour ouvrir la procédure de DUP (déclaration d’utilité publique) qui démontrera le caractère illégitime de la séquestration de nos outils de production de notre eau potable.
De grâce, redonnez confiance à vos électrices et électeurs dans la détermination et le pouvoir d’agir des serviteurs de l’action publique.
A suivre sur le site de l'association Eau Publique Orge Essonne