Climat civique inquiétant !

 Le décès tragique le 5 août 2019 du maire de Signes (Var) a provoqué consternation et colère. En s’interposant aux personnes qui déversaient illégalement des gravats, Jean-Mathieu Michel ne faisait qu’exercer son mandat pour faire simplement respecter le vivre ensemble dans sa commune.

Quelles que soient les circonstances, rien ne peut justifier qu’un élu soit agressé, blessé ou perde la vie alors qu'il constate une infraction, en application des pouvoirs de police que lui donne la loi. L’émotion légitime suscitée face à cette disparition est pour moi l’occasion de revenir sur les tensions et la dégradation du civisme dans notre pays. J’aborderai divers aspects qu’il convient de ne pas mélanger, contrairement à ce que font font astucieusement certains élu-e-s et les habituels médias complaisants.

La gestion des déchets

Toutes les communes de France, à Saint-Michel sur Orge comme ailleurs, sont confrontées à la multiplication des dépôts sauvages, malgré la mise en service de nombreuses déchetteries sur notre territoire. Selon le ministère de l’Intérieur, le volume annuel constaté de ces dépôts sauvages est de l'ordre de 100.000 tonnes. Ce fléau constitue à la fois une incivilité caractérisée et une atteinte grave à l'environnement. Il est sans doute nécessaire de demander une implication plus forte des parquets et des tribunaux à poursuivre et sanctionner ces infractions. Il pourrait être même envisagé, comme le demande l’Association des Maires de France, la création dans le code pénal d'un « délit de trafic de déchets » et l'amélioration des pouvoirs de sanction des maires, dont la responsabilité et celle de la commune peuvent être engagées s'ils ne font pas cesser les désordres résultant d'un dépôt sauvage. Mais comme à chaque fois, le durcissement du volet répressif ne réglera pas tout. Il faut en amont une mobilisation générale plus conséquente auprès de toute la population sur la question des déchets aussi bien ménagers qu’industriels, de leur production à leur élimination, en passant par leur stockage. Sans oublier le rappel des règles élémentaires de la vie en collectivité. Mais il est aussi nécessaire que les collectivités locales en charge de la collecte facilitent pour tous les usagers les conditions des apports volontaires. A titre d’exemples, sans que cela excuse les habitants qui jettent tout et n’importe quoi un peu partout, il serait peut-être utile d’installer davantage de poubelles dans les espaces publics, de faciliter et d’améliorer les modalités d’accès aux déchetteries, d’être plus souple sur les conditions de ramassage à domicile des encombrants (tout le monde n’a pas forcément un véhicule pour se déplacer) et de ne pas réduire systématiquement la fréquence des collectes à domicile pour d’hypothétique « économies » que le contribuable ne retrouve jamais lors du paiement de sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères… En rappel, ICI la pétition que notre groupe d’élu-es avait initié et qui reste ô combien d’actualité !

Le respect des élus ET des citoyens

Il est devenu récurrent aujourd’hui de critiquer les élu-e-s. Il est vrai que certains, du niveau gouvernemental à l’échelon local abusent de leurs positions. Avec quelquefois le soutien implicite d’une administration qui soit ferme les yeux, soit organise une plus grande opacité sur des prises de décisions contestables ou même illégales. Malgré les contrôles, les enquêtes et les procès, beaucoup finissent souvent par échapper aux sanctions judiciaires et même parfois... se trouvent confortablement réélus ! Les « affaires » de corruption, de détournement de fonds publics, d’enrichissement personnels sont insupportables. Au-delà de leurs auteurs, elles décrédibilisent la fonction d’élu-e-s et créent une suspicion naturelle des citoyens. Et quand parallèlement depuis des décennies, nombre d’élu-e-s, toutes tendances politiques confondues, ne font qu’appliquer la célèbre formule « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », la défiance est forcément au rendez-vous.

Pourtant le plus grand nombre d’élu-e-s effectue leur mandat de manière intègre et respectueuse des procédures et des lois. Dans les petites communes, les maires ont des indemnités dérisoires et dans tous les conseils municipaux, la plupart des élu-e-s ne perçoivent aucune indemnité. Cet engagement bénévole est même souvent plus compliqué lorsque l’on siège dans l’opposition, là encore bien souvent toute tendances politiques confondues. L’accès aux dossiers est très limité, les questions sans réponse sont légion, comme je vous en rends compte très régulièrement pour Saint Michel sur Orge.

Face au développement des incivilités et aux tensions importantes que la politique gouvernementale autoritaire amplifient, il est urgent de prendre une autre direction au niveau de la législation et de l’éthique. Des réformes sont à poursuivre pour notamment limiter le cumul de mandats, plafonner les cumuls d’indemnités, supprimer les dizaines d’instances « d’experts » ou de hauts conseils coûteux sans aucune légitimité et rendre plus transparents les niveaux de rémunération de la haute administration, les conditions de passation des marchés publics, les modalités de recours aux cabinets privés et les multiples décisions prises par les pouvoirs exécutifs communaux, intercommunaux, départementaux et régionaux en dehors des délibérations publiques. L’exercice d’un mandat demande de la rigueur et de la sobriété. Aujourd’hui, la communication prime souvent sur le fond. La réactivité sur les réseaux sociaux annihile toute réflexion. Les envahissantes mises en scène médiatiques des actions cachent souvent de mauvaises pratiques qui réduisent les assemblées élues à de simples chambres d’enregistrement et écartent davantage encore les citoyens qui se sentent mépriser.

La confiance envers les élu-e-s est indispensable dans une démocratie. Le citoyen a raison d’être exigeant et est légitime quand il interpelle. Même si l’incompréhension, l’impatience, le sentiment d’injustice ou d’inégalités se transforme vite en colère, il doit faire l’effort de l’exprimer courtoisement en se laissant pas abuser par certaines provocations. Si je ne cautionne pas les dégradations sur quelques permanences des députés macronistes, je pense que le gouvernement serait bien inspiré de ne pas trop instrumentaliser médiatiquement ces divers débordements, compte-tenu des dégâts humains provoqués par sa politique excessive de maintien de l’ordre comme à Nantes, avec la mort de Steve, ou un peu partout ailleurs face à divers rassemblements et manifestations. D’autre part, je rappelle aussi et inlassablement que chaque habitant doit prendre conscience qu’en étant inscrit sur les listes électorales, il peut exercer un rapport de force démocratique beaucoup plus efficace et même se présenter lui-même à une élection pour critiquer, proposer et ensuite se confronter aux difficultés de la gestion en découvrant que gouverner c’est aussi choisir entre des contraintes et des mécontentements. De même en s’impliquant dans des démarches collectives chaque citoyen peut concrétiser sa capacité d’agir. En face, l’élu, comme l’administration, doit être respecté, mais il doit aussi savoir écouter, rendre compte, proposer, concerter pour pouvoir décider, au seul service de l’intérêt général. Même si la légitimité est basée sur l’élection, elle s’acquière et se conforte aussi, du Président de la République au maire, sur la façon dont on exerce son mandat, et notamment en associant vraiment les citoyens aux décisions. Et aussi en s’affranchissant de cette arrogance contagieuse qui affirme souvent que les décisions prises (bonnes ou mauvaises) sont « les seules possibles », que les « dossiers sont d’une extrême complexité », que « chacun doit faire des efforts » ou que tous les problèmes sont de « la responsabilité des autres » (de l’Agglo, de l’Etat, voire de l’Europe), et parfois des habitants eux-mêmes !

Beaucoup de changement de comportements en perspective !

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