Stopper la violence, OUI, mais comment ?

Depuis 48 heures, notre ville n'est pas épargnée par le déchaînement des violences qui secoue notre pays. Les dégradations sont importantes.

Brûler des véhicules, détruire du mobilier urbain, briser des vitrines, piller des magasins et des équipements publics, attaquer des postes de police… Rien n’est acceptable, c’est même de l’auto-sabotage pour nos quartiers et tous les habitants.

Chacun doit faire preuve de beaucoup d’humilité dans les commentaires de la situation. Les mots sont assez faciles à aligner pour décrire, de tous côtés, les indignations. Je n’ai pas la prétention de détenir la vérité et de délivrer la solution miracle pour sortir de la spirale dans laquelle nous sommes, une nouvelle fois, engagés.

Comme d’autres, j’ai déjà dit et écrit que notre société était sous tension et qu’une étincelle pouvait à tout moment déclencher un processus violent et incontrôlable.

Un jeune homme est mort, il avait 17 ans et s’appelait Nahel. Aucun homme ne mérite de mourir un matin pour n’avoir pas obéi à des policiers.

L’enquête a démarré, et suite à la divulgation d’une vidéo, le fonctionnaire de police, auteur du tir mortel, a été mis en examen et est aujourd’hui placé en détention.

Depuis, une vague de violences monte en intensité dans tout le pays. Si la colère grossit dans les quartiers dits "populaires", elle est relayée, plus largement ailleurs, confirmant une fracture profonde (et ancienne) d’une partie de la population avec la police.

Paradoxalement, l’agenda médiatique du Président de la République se confond avec cette actualité. Après un déplacement de trois jours à Marseille, pour traiter des multiples difficultés dans les quartiers de cette ville "populaire", Emmanuel Macron devait laisser sa Première ministre présenter ce vendredi le détail de son plan "Quartiers 2030".

À peine sorti du long conflit sur la réforme des retraites, et à quelques jours de l’échéance des "cent jours d’apaisement", décrétés en avril, le gouvernement se retrouve embourbé dans une nouvelle crise, qui dépasse largement le simple maintien de l’ordre.

Déjà, lors des émeutes en 2005, il y a 18 ans, beaucoup pointaient la désespérance des quartiers dits "sensibles", l’affaiblissement des services publics, la diminution des moyens pour l’éducation, le mépris social envers tous ceux qui restent finalement au bord du chemin…

Le maire de Grigny, Philippe Rio, rappelait ce matin que nous étions depuis des années sur une poudrière et que le Président de la République a décidé seul et avec beaucoup de mépris en 2018 « de rayer d’un trait de plume le plan réfléchi et pensé par les acteurs de terrain » autour de Jean-Louis Borloo. Ce n’était peut-être pas la panacée, mais depuis, combien de discours, de plans et d’annonces, sans réelle évolution sur les vies au quotidien ?

La violence ne conduit nulle part. Tous les faits délictueux doivent être sanctionnés, tous les réseaux mafieux doivent être démantelés. Mais ni le couvre-feu, ni l’état d’urgence et encore moins les blindés de l’armée ne calmeront la révolte qui gronde dans le pays. Au-delà de la désespérance sociale, on enferme notre jeunesse dans un avenir toujours plus anxiogène (réchauffement climatique, guerres, crises sanitaires, compétition exacerbée avec parcoursup…). Face à l’individualisme exacerbé, il faut construire du commun. Il faut des réponses politiques à des décennies d’utilisation de la police comme outil de répression des quartiers populaires. Aussi stupides, révoltants et condamnables que sont les dégradations et les pillages d’aujourd’hui, la matraque ne sera jamais une réponse à la colère sociale, même lorsque celle-ci est détournée.

Il est temps que notre démocratie, très abimée, engage sérieusement le débat sur la refonte des missions et des objectifs de la police. On paie très cher la décision au karcher de Nicolas Sarkozy de supprimer la police de proximité. Les fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre doivent d’abord être des gardiens de la paix.

Toutes les politiques angéliques, mais sans moyens, autour du "vivre ensemble" se fracassent sur la réalité. Il faut surtout du "FAIRE ensemble", pour que chacun trouve sa place.

En attendant, j’en appelle, comme tout le monde, à la désescalade et à la responsabilité. Je peux, sans difficulté, faire oralement et par écrit des appels au calme. Mais face à un tel embrasement du pays, l’apaisement ne sera possible que si les dirigeants, à tous les niveaux, s’engagent à prendre sincèrement en compte les amertumes et les colères réelles, quitte à avoir le courage de se remettre un peu en cause, de s’amender un minimum des erreurs commises et des promesses non tenues. Mis à part les rappels incantatoires à la restauration de l’ordre, je n’entends pas grand-chose de ce côté-là pour tenter de reconstruire un véritable climat de confiance et un vrai pacte républicain.

Le 30/06/2023 à 15h35

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