Bois des Roches : Urgence éducative et sociale !
« Depuis deux ans, les indicateurs de fragilisation et de paupérisation se multiplient dans tous les domaines.
Nous pouvons bien sûr attribuer cela au contexte national qui impacte inévitablement la ville, mais également à une mutation des équilibres sociaux sur la commune avec une précarisation des familles à laquelle s’ajoute un climat de violence entre jeunes qui s’intensifie dans les quartiers ». Tel est le constat dressé par la municipalité lors d’une réunion de présentation du label « ville éducative » à laquelle j’ai assisté le 13 juin.
Sur le plan social les données émanant de la Caisse d’Allocation Familiale (CAF) sont assez éloquentes :
- 18% de familles monoparentales (au sein de deux quartiers : Gambetta- Boileau et Lamartine). Au niveau départemental : 16,7 % et national : 15 %.
- 50 % de la population couverte de la participation CAF. Au niveau national : 48 % (12 % des allocataires bénéficient de 100% de prestations sociales, constituant la seule source de revenus pour ces familles).
- Taux de chômage : 11,9 % (taux Agglomération : 10,5 %, Département : 10,7 %). Les jeunes sont les plus touchés, les quartiers Gambetta-Boileau et Debussy-Bellevue étant plus spécifiquement concernés.
- Le niveau de vie est en dessous de la moyenne départementale.
- Mise en évidence de problèmes d’accès aux soins.
- Le nombre de foyers concernés par de l’accompagnement au CCAS est en continuelle augmentation : en 2 ans, augmentation de 22%.
- Arrivée de 250 relogements sociaux prévus en 2019 et 2020 : avec un enjeu de mixité sociale à rechercher.
- Augmentation de 18,7% de bénéficiaires de RSA ou AAH
Sur le plan du « Vivre ensemble », le rapport présenté indique que « malgré les actions conjointes des services municipaux, des éducateurs de la prévention spécialisée et, dans une autre mesure, de la police, les tensions et les conflits s’étaient peu à peu apaisés depuis plusieurs années. Les violences urbaines avaient également diminué d'intensité. Or depuis 2 ans, un regain de tensions s'est amorcé. Le 13 juillet 2017, l'artère principale du Bois des Roches a été le théâtre de violences. Quelques mois plus tard, le 12 mai 2018, sur fond de provocation via les réseaux sociaux pour un sujet futile, les quartiers de Saint-Hubert (Sainte-Geneviève-des-Bois) et du Bois des Roches (Saint-Michel-sur-Orge) se sont affrontés, en plusieurs séquences, dans chacune des deux villes. Depuis, si aucun événement d'une telle ampleur n'a heureusement été déploré, la multiplication des petits délits nous inquiète. La rivalité historique entre nos villes se ravive : les nombreuses cellules de veille auxquelles participent tous les collèges et lycées de notre territoire le constatent au quotidien. Malgré un important travail engagé par nos deux communes, force est de constater que les moyens jusque-là mis en place ne suffisent plus. Tous les acteurs s’accordent à dire que nous avons atteint un point de bascule ».
Il nous a également été communiqué le résumé des constats unanimes et le compte rendu des échanges de l’ensemble de la communauté éducative réunie le 29 mars dernier. Les voici dans leur intégralité :
Collège Boileau : une chute des résultats scolaires et des sanctions disciplinaires en augmentation
- Les résultats du brevet 2018 ont montré les grandes difficultés des élèves de Boileau puisque nous atteignons 68% de réussite, résultats bien en-dessous de ceux de l’académie et de certains collèges de REP (84%) du département.
- Brevet blanc 2019 : 29 sur 150 ont eu la moyenne.
- Depuis 4 années, le collège constate une représentativité importante de CSP défavorisées dans le collège comparativement aux collèges du département :75,1 % des élèves scolarisés au collège appartiennent à des classes sociales défavorisées et un bon nombre d’entre eux viennent de familles non francophones.
- Un nombre important d’élèves qui rencontrent des difficultés lors de leur entrée en 6e comparativement à la moyenne départementale.
- Constate également une augmentation continuelle des sanctions disciplinaires.
- Une dégradation des niveaux de maîtrise des savoirs de base des élèves (mathématiques et français)
- Effectifs actuels de quatrième dépassent les 150 élèves ce qui laisse supposer des classes de troième à plus de 30 élèves.
Ecoles : Une forte dégradation du climat scolaire qui impacte les apprentissages
Au niveau de l’Education nationale : les trois écoles élémentaires sont en attention éducative particulière.
Chaque école élémentaire bénéficie d’un maître supplémentaire, de l’appui d’une psychologue de l’Education nationale, d’enseignants spécialisés (RASED). Les élèves allophones bénéficient d’un maître UPEAA. Des difficultés importantes sont constatées dans le domaine de la langue orale et écrite, en particulier au niveau du lexique, de la compréhension et de la production d’écrits dès la maternelle.
Au niveau des mathématiques, des lacunes sont constatées essentiellement au niveau de la numération et de la résolution de problèmes. Par ailleurs, de nombreuses difficultés de gestion de classe se posent. Des difficultés d’attention et de concentration sont présentes chez de nombreux élèves.
*Accompagnement éducatif
- Lamartine élémentaire (274 élèves) : 15 élèves CE1, CE2, CM1 concernés ; appui aux apprentissages fondamentaux.
- Descartes élémentaire (263 élèves) : 23 élèves tous niveaux de classe concernés ; appui aux apprentissages fondamentaux
- Blaise Pascal élémentaire (271 élèves) : 22 élèves CE1, CE2 concernés ; appui aux apprentissages fondamentaux.
*Des classes chargées qui ne permettent pas l’accompagnement nécessaire
- Dès la maternelle, nous constatons la nécessité d’un accompagnement spécifique de certains élèves : les effectifs ne le permettent pas toujours car les classes sont composées d’une moyenne de 29 élèves.
- Le collège Boileau est très inquiet pour les classes de 3ème qui vont tendre vers un effectif de 30 élèves par classe.
*Des familles de plus en plus en détresse sociale et éducative
- Les familles nouvellement arrivées cumulent de nombreuses difficultés et ont une grande demande envers l’école.
- Constat d’un turn-over dans la population qui s’accélère (plus de radiations et d’arrivées), pèse sur l’ambiance de la classe et génère des problèmes d’intégration des élèves.
- Un nombre important d’enfants qui arrivent en cours d’année et auxquels il faut rappeler constamment les règles au sein de l’école.
- La situation sociale s’est aggravée : les familles expriment leurs difficultés sociales et se tournent vers l’école.
- Constat d’une méconnaissance des dispositifs de l’institution scolaire.
- Besoin des familles d’être accompagnées, exprimant leur incapacité à identifier les besoins de leurs enfants et à y répondre.
- Des parents qui expriment leurs difficultés auprès de l’école dans leur fonction éducative au quotidien avec leurs enfants (demandes de parentalité nouvelles pour les enseignants car ne relevant pas uniquement du champ scolaire).
- Des enfants « parentifiés » de plus en plus nombreux : des enfants qui ont en charge leur fratrie.
- Des enfants de moins en moins disponibles car responsables de tâches ménagères ou en charge de la fratrie.
- Des parents qui s’insultent via les réseaux sociaux.
*Un dialogue difficile avec les familles
- Les familles ont des demandes et des questionnements qu’elles n’avaient pas auparavant.
- Des parents illettrés qui ne comprennent pas le fonctionnement d’une école.
- Des familles de plus en plus méfiantes vis-à-vis de l’Institution scolaire
- Des familles qui déclenchent des conflits entre elles relayant les tensions entre leurs enfants
- Les parents se déplacent de moins en moins sur les temps qui leur sont dédiés (ex : réunion parents/professeurs, seules 12 familles se déplacent pour 150 élèves concernés)
- Au collège : certaines familles n’ont pas été rencontrées depuis trois ans et sont non joignables.
*Des enfants au bord du décrochage scolaire et présentant des troubles du comportement
- Le taux de scolarisation des jeunes de 15/17 ans est inférieur au taux départemental.
- Troubles du comportement de plus en plus récurrents et qui se multiplient dès la maternelle.
- Les enseignants comme les animateurs constatent que de moins en moins d’enfants ou de jeunes comprennent les consignes dans des situations de jeux.
- Les enfants présentent des difficultés d’attention et sont fatigués dès le lundi matin en raison de difficultés familiales (notamment pour les personnes hébergées).
- Le collège constate que certains élèves n’ont pas le niveau de compétence au sortir du CM2 et manquent d’intérêt et de motivation.
- A l’arrivée des sixième, on constate une perte des savoirs acquis en primaire, s’accentuant dans les années postérieures. Les professeurs parlent de régression scolaire.
- Collège : 13 244 journées d’absence ont été comptabilisées depuis le début de l’année scolaire.
- Collège : le temps consacré à l’enseignement se restreint et est réservé à la discipline.
- Brevet blanc 2019 : seuls 29 sur 150 ont eu la moyenne.
- Les jeunes vivent de plus en plus dans l’instant présent sans prendre conscience du futur et ont besoin de temps d’échange.
- Difficulté à se construire et à se projeter dans l’avenir pour les jeunes.
*Des enfants de plus en plus tendus voire violents
- Des difficultés à accepter les règles de vie en collectivité.
- Elèves ne supportant pas la frustration.
- Constat d’une augmentation de la violence sur les temps scolaires et périscolaires : violence, bagarres, insultes.
- Les problèmes exposés sur le temps scolaire se retrouvent sur les temps périscolaires.
- Il est nécessaire d’être très attentifs et vigilants sur les temps de récréation et du midi car les élèves ont de plus en plus recours à la violence pour régler des situations conflictuelles.
- Les violences dans le quartier entrent dans les établissements scolaires : l’école n’est plus un lieu d’apaisement sanctuarisé.
- Les enfants sont responsabilisés trop jeunes par les familles et s’inspirent des grands du quartier.
- Les jeunes sont de plus en plus dans des comportements d’addiction, d’ébriété.
- Méconnaissance des règles des codes de vie et de conduite.
- Les codes du quartier priment et l’important est de ne pas « balancer » les autres.
- Ne se protègent pas et subissent le groupe.
*L’adulte ne représente plus un repère pour certains enfants : perte de confiance
- Les enfants ont peur de se diriger vers l’adulte pour régler un problème ou un conflit : les enfants ont de plus en plus peur des représailles.
- Insultes en direction des adultes de plus en plus fréquentes.
- Les enseignants sont parfois démunis face à l’agressivité des enfants.
- Un turn-over important des enseignants qui ne permet pas l’ancrage et le travail de fond : 80% du corps enseignant au collège a été renouvelé. Idem sur certaines écoles.
Petite enfance : une précarisation des familles accueillies
Les professionnels de la petite-enfance constate une précarisation des familles des crèches sur le territoire.
Ces tableaux démontrent que le nombre de familles à moins de 1€/heure représente la majorité des familles accueillies. Tous ces CONSTATS dans un contexte de dispositif de droit commun saturé :
- Les rendez-vous dans les CMP et CMPP peuvent parfois atteindre 12 à 18 mois d’attente
- Les Assistantes sociales des MDS (Maisons Départementales des solidarités) sont saturées de demandes et expriment le fait de ne plus avoir de relais dans la prise en charge car les partenaires socio-éducatifs ne peuvent plus répondre à la demande (médiation, thérapie, soins...)
- Les prises en charge ASE sont de plus en plus longues : les structures mettent un délai important (parfois 6 mois) avant de pouvoir répondre aux demandes de prise en charge éducative (AEMO, AED...)
- Une baisse des crédits de la politique de la ville et du Programme Réussite éducative (PRE)
Le projet de « Ville Educative »
La municipalité met en avant une « démarche participative » qu’on ne peut qu’approuver sous réserve qu’on s’en donne les moyens et que tout le monde puisse effectivement participer à cette mobilisation d’intérêt général URGENTE. C’est une bonne chose d’aborder et de penser la question du climat et de l’éducation dans sa globalité (école, santé, formation, loisirs, parentalité…). Je partage également, comme ma collègue Corinne Bediou l’exprime régulièrement au Conseil municipal le souhait de « fédérer les acteurs de la Collectivité autour d’un projet et d’objectifs communs, ce qui permet de travailler en transversalité avec l’ensemble des partenaires éducatifs de notre territoire (services municipaux, associations, établissements scolaires, parents, habitants, élus…) ».
On ne peut donc qu’être d’accord avec les 12 objectifs déclinés pour une « Ville apaisée » :
- Lutter aux côtés de l’Education nationale contre le décrochage scolaire.
- Rétablir un climat serein au sein des établissements permettant les apprentissages.
- Initier et encourager les actions en faveur de la citoyenneté, de la pratique sportive et développer l’action culturelle et artistique.
- Consolider et soutenir toutes les actions partenariales avec les associations et les clubs sportifs.
- Favoriser le dialogue pour une co-éducation entre les professionnels et les parents.
- Lutter contre les phénomènes de harcèlement dans les établissements scolaires et promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons.
- Accompagner les familles dans leur fonction éducative afin d’exercer leur rôle dans les meilleures conditions.
- Endiguer les actes de violence dans nos quartiers.
- Permettre aux jeunes (et parents) de développer un esprit citoyen et solidaire à travers des initiatives co-construites avec les collectivités.
- Accompagner les jeunes dans leur orientation scolaire et professionnelle en lien avec les partenaires économiques locaux.
- Favoriser l’engagement bénévole et associatif.
- Soutenir les initiatives en faveur de la mobilité, de l’autonomie et de l’accès aux droits.
La question, à partir de ces constats et objectifs partagés, est bien de finaliser et de mettre en œuvre un plan d’actions concrètes qui doivent permettre de changer radicalement la donne, dès maintenant. Or, sans avoir la prétention d’avoir toutes les solutions clé en main, d’autant plus que divers aspects éducatifs et sociaux dépassent largement les compétences communales, je constate que le dispositif « Action cœur de ville » qu’on nous présente par ailleurs comme étant une chance historique pour le quartier ne prend pas du tout en compte ces aspects éducatifs et sociaux. Je pense même que ceux-ci ont été complétement minorés lors des transactions sur la vente le 1er mai 2018 des 600 logements Derim (dont plus de 200 étaient vacants) au bailleur social Plurial Novilia. On aura beau refaire les façades des immeubles et aménager les abords du centre commercial, rue Berlioz et place Püttlingen et Berlioz, cela ne réglera pas la dégradation très inquiétante en matière éducative et sociale, que plus personne ne peut faire semblant d’ignorer !