Scandales dans les établissements pour personnes âgées

Il y a quelques dizaines années, des économistes et théoriciens libéraux glosaient sur "l’or gris". Cette étrange expression était employée pour parler des personnes âgées et des personnes dépendantes. Les investisseurs, comme on dit, avaient flairé dans le vieillissement démographique, un moyen juteux de rentabilité financière.

C’est ainsi que se sont développées, avec la bénédiction de l’État, des sociétés privées gérant des EHPAD.

La parution ces derniers jours du livre enquête "Les Fossoyeurs", décrit un système implacable dans lequel les soins d’hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents seraient "rationnés" pour gonfler la rentabilité du groupe privé de maisons de retraite Orpea. Ce n'est malheureusement pas une surprise. Depuis des années, les personnels et les familles dénoncent ce fonctionnement des groupes privés qui pratiquent des prix exorbitants, sans assurer beaucoup de bienveillance pour leurs résidents.

Personnes âgées laissées sans soin, mal nourries, rationnées, aides-soignants en sous-effectif permanent, en intérim ou en CDD avec des bas salaires, surfacturation des produits d'hygiène ou des matériels médicaux payés par l'Assurance maladie et les conseils départementaux. Ce qui se passe dans des Ehpad privés haut de gamme, avec des tarifs exorbitant de location des chambres, donne une idée de la façon lamentable dont la société traite les retraités.

Si l’appât du gain est évidemment moins présent dans les structures publiques, les moyens humains insuffisants, comme parfois la vétusté des locaux, ne permettent pas d’assurer toujours un service de qualité pour les personnes âgées dépendantes. Les Agences Régionales de Santé, l'État et les collectivités locales sont bien souvent complices de ce système qui maltraite parfois des résidents affaiblis et fragiles et qui maintient des conditions de travail déplorables pour les personnels.

Les travailleurs des Ehpad, en première ligne tout au long de l'épidémie, dénoncent depuis des années la maltraitance imposée aux résidents. Ils ont multiplié les grèves pour obtenir des conditions de travail dignes, réclamer des embauches et des augmentations de salaires.

Orpea, Korian, DomusVi, quelques grands groupes cotés en Bourse, se partagent 20 % du marché. Le secteur est si rentable qu'Orpea a versé à ses actionnaires de fabuleux dividendes de 12 ou 13 %. Pour développer leurs affaires, ces groupes privés ont trouvé le soutien de l’État. Entre 2002 et 2012, période où la construction d'Ehpad et de cliniques privées a explosé, le groupe Orpea a bénéficié du soutien sans faille de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, pour obtenir crédits et autorisations d'ouverture. Aujourd’hui, environ 20 % des Ehpad sont des établissements privés à but lucratif, alors que la moitié des Ehpad dépendent d’hôpitaux ou de CCAS et 29 % sont gérés par des associations privées à but non lucratif, des congrégations ou des mutuelles. Il serait sans doute excessif de résumer la situation en disant que les Ehpad privés à but lucratif maltraitent les résidents et que la situation est idyllique dans le secteur public.

Il faut donc à tous les niveaux, dans le public comme dans le privé, clairement posé la question d’un meilleur contrôle, non seulement sur les tarifs pratiqués mais sur les conditions de vie des patients. Les conditions de travail des salariés, se posent aujourd’hui avec acuité. Pour s'occuper dignement des anciens, il faut embaucher massivement dans les Ehpad, publics ou privés, comme dans les hôpitaux.

Il existe aujourd’hui trois sources de financement (un forfait soins, à la charge de l’Assurance maladie, un tarif dépendance financé en grande partie par les départements, et un forfait hébergement, à la charge des résidents avec éventuellement une prise en charge par l’ASH. Les contrôles doivent être exercés par l’autorité « qui a délivré l’autorisation » (préfet, directeur de l’ARS ou président du département).

En filigrane se pose la question centrale du financement de la prise en charge du grand âge. Comme l’indique l’Union nationale des CCAS, "Faute de véritable 5e risque à la hauteur de cet enjeu de solidarité nationale, le décalage n’en sera que plus criant entre certains acteurs peu scrupuleux du secteur, avides de profits boursiers, et les autres, animés par le maintien de la qualité du service rendu malgré des financements toujours insuffisants pour couvrir le coût réel des prestations". 

Pour conclure, provisoirement, je vous invite à signer la pétition suivante

M. le Président de la République, M. le Ministre de la Santé et des Solidarités, Mme la Ministre déléguée chargée de l’Autonomie,

Vous aviez promis une réforme sociale de grande ampleur pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées, notamment dans les maisons de retraite. Votre loi « grand âge » n’a jamais vu le jour.

Suite au scandale récent du groupe Orpea, nous vous demandons de revoir en profondeur le système de fonctionnement des Ehpad privés et publics, pour accueillir et accompagner dignement les personnes âgées. Cela doit passer par des mesures ambitieuses telles qu’une augmentation du nombre du personnel soignant, mieux rémunéré et un contrôle accru de la gestion financière des établissements.

Pourquoi c’est important ?

La révélation de l’enquête sur le scandale des établissements Orpea et plus largement les maltraitances infligées aux personnes âgées dans les maisons de retraite sont symptomatiques d’un système d’accompagnement et de santé profondément malade.

Rationnement sur les produits d’hygiène et les repas, les personnes âgées subissent les dérives d’une gestion financière qui placent le profit avant l’humain.

L’enquête et la convocation du Directeur Général de l’établissement par le Ministère de la Santé sont des réactions à chaud et individuelles, qui ne répondent pas à un problème structurel.

Les nombreux témoignages des professionnels de santé révèlent le manque cruel de moyens humains et matériels qui poussent une partie d’entre eux à démissionner ou à s’arrêter.

Les maltraitances infligées aux résident-e-s ne sont que les conséquences chroniques d’un système en roue libre, qui ne considère ni les résident-e-s, ni le personnel de santé.

Avec une augmentation du nombre de personnes en situation de perte d’autonomie d’ici 2050* en France, le problème ne peut que, malheureusement, s’aggraver sans mesure radicale.

Sources : D’après les prévisions de l’INSEE, 4 millions de personnes seront en situation de perte d’autonomie en 2050 en France, contre 2,5 millions en 2015. 

POUR SIGNER, c'est ICI

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