Restrictions sanitaires, sociales, culturelles et démocratiques
Il y a quelques jours encore, les fêtes de fin d’année apparaissaient comme un moment de décompression, de liberté retrouvée, de convivialité restaurée dans l’environnement morose que nous impose la crise sanitaire, avec ses conséquences économique et sociales de plus en plus insupportables, pour le plus grand nombre.
Il nous faut déchanter. Le gouvernement vient de concocter un programme de semi-liberté : le confinement sera bien levé le 15 décembre, mais il sera remplacé par un couvre-feu de 20 heures à 6 heures, sauf le 24 décembre. En clair, Noël est sauvé, sous réserve de respecter la jauge de six adultes par foyer et l’application des gestes barrières, mais le Nouvel An tombe à l’eau. La culture est complètement sacrifiée.
Au 1er janvier, le Smic sera à peine revalorisé de l’augmentation légale : 1% ce qui correspond à une hausse moyenne de 13 € par mois. Pourtant celles et ceux qui sont payés au smic ont les métiers dont on a vanté le courage lors du premier confinement "en première ligne". La belle reconnaissance de la Nation pour les travailleurs, caissières, aides à domicile, chauffeurs, agents de propreté, aides-soignants, etc… s’est vite envolée. Les fantassins d’une "guerre" qu’avait cru bon de déclarer le Président de la République, ceux qui avaient "permis que la vie continue" sont de nouveau oubliés.
Et ce matin, le laboratoire français Sanofi annonce que leur vaccin ne serait prêt que fin 2021, après des résultats moins bons qu'espéré des premiers essais cliniques.
Depuis le début de la pandémie, j’ai souvent pointé ici les incohérences et les questionnements sur la gestion du Covid 19 par le Président de la République et son gouvernement. Le 2 décembre, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale a adopté, un rapport, qui notamment souligne la "sous-estimation du risque", et un "pilotage défaillant de la crise". Pour rester objectif, l’accumulation de défaillances politiques et techniques date de plusieurs années. A la sous-estimation du risque épidémique, à la baisse des stocks stratégiques, au manque de diversification des fournisseurs et aux moyens humains de plus en plus réduits dans les hôpitaux s’est ajouté un problème de gouvernance, notamment lié à la multitude d’experts et à la concurrence des différentes "cellules de crise" mises en place.
Parmi les suggestions émises dans ce rapport, trois constats méritent d’être mis en avant :
1/ La prévention des risques relève de la responsabilité politique. Les moyens de la mettre en œuvre ne peuvent être laissés au bon vouloir de diverses administrations.
2/ la gestion de la crise sanitaire et son déploiement sur le terrain doit se faire sous l’autorité hiérarchique des préfets dans chaque département. Ce qui remet en cause le fonctionnement des agences régionales de santé (ARS), bien trop centrées sur les économies budgétaires.
3/Enfin, le rapport pointe l’organisation des Ehpad qui, insuffisamment médicalisés, accueillent dans de mauvaises conditions des résidents de plus en plus dépendants. Ce problème, pas seulement sanitaire, relève tout simplement la dignité humaine.
Alors que la situation semble s’améliorer et avant que ne s’engage l’étape (non obligatoire) de la vaccination, le gouvernement dit avoir retenu certaines leçons. Il place notamment sa stratégie sous le triple signe "de la sécurité, de la transparence et de la proximité". C’est de bon augure, à condition qu’il arrête l’infantilisation avec la multitude de préconisations pour notre vie privée au quotidien (nombre de personnes maximum autour d’une table pour les fêtes de fin d’année, et pourquoi pas bientôt la composition du menu !).
En cette fin d’année 2020, les fêtes habituelles …ne le seront pas et les estimations pessimistes situent à janvier-février l’apogée d’une « 3ème vague » qui ne dit pas son nom. Dans ce contexte, la vie sociale en général reste donc tronquée ; mais il n’est pas nécessaire d’en rajouter en portant atteinte aux libertés individuelles comme le fait le gouvernement dans sa dérive autoritaire : propositions de lois et mesures administratives conjuguent leurs effets aux violences policières pour entretenir un climat malsain qui porte atteinte aux libertés publiques. En témoignent encore les trois décrets pris le 2 décembre, par lesquels trois fichiers de "sécurité publique" (PASP, GIPASP et EASP) ont été largement étendus : ils permettront le fichage massif de militantes et militants politiques, syndicaux et associatifs, de leur entourage (notamment de leurs enfants mineurs), de leur santé ou de leurs activités sur les réseaux sociaux. INACCEPTABLE !