Coronavirus : urgences pour agir plus fort
L’épreuve sanitaire du Covid-19 place notre pays dans une situation inédite. La violence de la situation change le cours de l’histoire. Les règles de fonctionnement de la société telle que nous la subissons nous condamnent au désastre humanitaire si nous n’en changeons pas rapidement.
Il faut agir sur d’autres bases sans attendre « le monde d’après » que nous promettent une nouvelle fois les responsables du désastre du « monde de maintenant ». Dès à présent, l’intérêt général humain doit prévaloir sur tous les intérêts particuliers. Le bien commun doit l’emporter sur la loi du marché. Les pouvoirs publics ont la responsabilité d’organiser les moyens de la protection collective de la population, en anticipant chaque étape et en déployant des mesures d’urgence. Il faut à la fois empêcher la propagation du coronavirus, soigner les malades et assurer les besoins essentiels de chaque personne. Lutter contre les inégalités en matière de confinement et d’exposition à la contagion est prioritaire pour garantir que les dispositifs fonctionnent pleinement, c’est-à-dire partout et pour tous. Pour affronter l’épidémie et ses conséquences, la démocratie et la justice sociale sont des moyens décisifs et non des accessoires dispendieux.
Aucune crise sanitaire ne saurait justifier l’abrogation des méthodes démocratiques ou de la séparation des pouvoirs. Le modèle néolibéral s’est déployé sans limites dans tous les domaines de la vie en société depuis plusieurs décennies. Il a détruit les services publics en préférant partout la loi du marché. Il a affaibli l’État et créé une culture de l’égoïsme et de l’indifférence à la souffrance des êtres, des animaux et de la nature. Tout cela nous place aujourd’hui en situation de fragilité pour affronter le Covid-19. La solidarité, le partage et l’entraide sont les valeurs cardinales sur lesquelles nous devons fonder notre réponse. Dans le péril commun, l’auto-organisation des gens eux-mêmes est un des plus puissants leviers d’action et de sauvegarde collective.
Le gouvernement vient de présenter un plan d’urgence. Ces mesures sont bienvenues, mais insuffisantes et déséquilibrées. Des urgences plus fortes doivent être mises en avant.
-URGENCE SANTÉ : 10 milliards tout de suite !
Depuis des années, des économies drastiques sont réalisées dans l’hôpital public et les établissements de santé en général. Au lieu de considérer notre système de santé efficace comme une chance, les gouvernements successifs l’ont perçu comme un coût. Cela a conduit à une réduction du nombre du personnel soignant, à une fermeture des infrastructures et à des déremboursements importants. Les difficultés que rencontrent les personnels soignants pour faire face au Covid-19 sont la responsabilité des gouvernements qui se sont succédés. Il est fondamental de changer de philosophie : la santé n’est pas un coût, il ne s’agit pas d’une dépense évitable. C’est un service public nécessaire pour nos vies. Il faut impérativement stopper les plans d’économie réalisés et recréer rapidement un système de santé efficace et résilient pour les moments de crise, comme celui que nous traversons.
-URGENCE « PROTECTION » : 1 salarié, 1 masque
Face à la crise sanitaire, un maximum de monde doit rester en confinement. Les mesures prises par le gouvernement ne protègent pas suffisamment les salariés, notamment les employés et les ouvriers. Seules les personnes dans les secteurs essentiels dans ces temps de crise, ne pouvant travailler de chez elles, doivent se rendre sur leur lieu de travail. Beaucoup de personnes aux avant-postes de la lutte contre la crise sanitaire ne sont pas protégées et vont aujourd’hui travailler la boule au ventre. Il s’agit des caissières des supermarchés, des personnels de ménage, des agents de sécurité, notamment dans les hôpitaux, dans la grande distribution, les transports, les EHPAD, des assistants à domicile qui sont aux côtés des personnes vulnérables, des sages-femmes, aides-soignant.es, infirmiers et médecins libéraux, des cheminots, des éboueurs, des agents des services publics en général, fortement mobilisés actuellement… La liste est longue et non exhaustive.
-URGENCE « PRÉCARITÉ » : Assurer le nécessaire
Assurer le nécessaire pour les citoyens est la première mission de l’État, tout particulièrement en temps de crise. Les plus fragiles sont les plus pauvres et ceux dont les revenus vont baisser du fait de la baisse de l’activité économique. Il faut de l’eau pour l’hygiène, de l’énergie pour se chauffer, le téléphone pour donner des nouvelles ou en prendre et des revenus suffisants pour assurer les dépenses forcées ce mois-ci. Autant de problèmes décuplés pour les malades et les plus vulnérables. Les situations de crises augmentent toujours les inégalités. Il nous faut, au maximum, limiter l’impact négatif de cette crise sur la vie des personnes les plus précaires, qui sont souvent en première ligne.
-URGENCE « SALAIRES » : 100% du salaire habituel pour les salariés et du revenu mensuel moyen pour les indépendants
Le gouvernement s’est engagé à « ne pas rajouter de la détresse économique à l’inquiétude sanitaire ». Pourtant, si Bruno Le Maire a promis que les salariés mis au chômage partiel ne perdraient pas un centime d’euro, en réalité ceux-ci ne toucheront que 84 % de leur salaire net dans la limite de 35 heures payées (à l’exception des salariés au SMIC qui eux toucheront l’intégralité de leur salaire). Les travailleurs des plateformes (Deliveroo, Uber…) vivent de plein fouet les conséquences du confinement de la population. Pourtant, leur statut précaire les protège mal en cas de maladie ou d’interruption d’activité. Autre catégorie de travailleurs particulièrement exposés, les indépendants et libéraux ne sont pas suffisamment protégés par les annonces déjà faites. Enfin, du fait des annulations d’événements, les intermittents du spectacle ont vu disparaître leurs sources de revenus.
-URGENCE « ALLOCATIONS » : Stopper le décompte des jours de chômage
Depuis le déclenchement de la pandémie, les jours d’allocation chômage s’écoulent ordinairement et rapprochent des millions de personnes de leur fin de droits. Or, la réforme Macron de l’assurance-chômage a expulsé des centaines de milliers de personnes de l’indemnisation. Elle a aussi drastiquement réduit le nombre d’indemnisés en activité irrégulière. Cette situation devient totalement intenable. En effet, le recul de l’emploi est net : il y a de moins en moins de postes à occuper. De plus, tous les déplacements pour entretien d’embauche mettent en danger les candidats comme les employeurs. Pour allonger un peu leurs allocations, certains chômeurs essaient encore d’occuper certains postes, en intérim ou à temps partiel, dans plusieurs établissements. Ils multiplient ainsi les risques d’être contaminés puis de contaminer les autres. Enfin, les radiations administratives ont déjà frappé 1,4 million de chômeurs depuis l’arrivée au pouvoir de Macron.
-URGENCE « MAINTIEN DES DROITS » : accès à l’IVG & hébergement d’urgence
Les femmes sont en première ligne face au Covid-19. Chez les infirmières et les sages-femmes, près de 90 % des effectifs sont composés de femmes. Les caissières sont à 80% des femmes, de même que 87 % du personnel employé dans le Ephad. Les salaires sont trop faibles malgré le caractère essentiel de ces métiers. Dans les périodes de crise, les droits fondamentaux des personnes sont souvent remis en question. Cela risque d’impacter tout particulièrement les femmes, dont certains droits ne semblent pas garantis. De plus, le confinement implique des risques de violence accrus pour les femmes.
-URGENCE « RÉQUISITION » : protections, équipements, logements, nourriture
L’urgence est telle que le gouvernement français mobilise massivement le service public pour être en première ligne dans la lutte contre l’épidémie et continuer à assurer le fonctionnement des services essentiels : pompiers, soignants, policiers, cheminots, etc. ou le Service de Santé des Armées. C’est le retour de l’État face à la crise. Beaucoup de personnes vulnérables sont à protéger. Aux personnes d’ores et déjà dans une situation précaire (sans-logis et mal-logés, réfugiés, détenus) viennent s’ajouter les travailleurs qui manquent de matériel de protection (masques, gels). Nous sommes capables, et nous devons, par la puissance publique, mettre en œuvre des mesures interventionnistes d’ampleur.
-URGENCE « CULTURE ET INFORMATION » : accès aux journaux et suspension des poursuites pour streaming
L’accès à la culture et à l’information est un enjeu important de la crise sanitaire qui frappe actuellement la France. Du fait des bouleversements induits par les mesures de confinement, nos concitoyens sont confinés chez eux et parfois isolés. Il devient difficile d’accéder à de la musique, à des films ou à de la presse en-dehors des abonnements préalablement contractés ou des stocks présents au domicile. Assurer l’accès à l’information des citoyens sur tous les territoires est crucial. Dans cette situation exceptionnelle, nous ne devons pas priver nos concitoyens de culture : chacun doit avoir la possibilité de se divertir, de réfléchir et d’apprendre. Tous les savoirs ou les connaissances accumulés durant le confinement s’avéreront précieux au moment de reconstruire l’économie.
Mais n’oublions pas un instant combien nous avons besoin des créateurs, des artistes et d’une façon générale des praticiens des métiers d’art qui nous offrent la matière première de nos rêves et plaisirs culturels. Leur protection et la garantie de leurs revenus ne sont pas un accessoire coûteux, mais notre minimum vital commun.
-URGENCE « SCOLARITÉ » : éviter de bricoler
La fermeture des établissements scolaires est effective depuis le lundi 16 mars, et ce au moins jusqu’aux vacances de printemps. Pour assurer une continuité pédagogique, des outils numériques sont mobilisés, comme Pronote ou les ENT (espaces numériques de travail) mais ils saturent à cause de l’afflux massif de connexions. Les élèves et des parents doivent bricoler. Cela implique des journées décousues et la continuité scolaire n’est pas assurée. Comment bien étudier lorsque l’enseignant n’est pas à proximité et que les parents ne peuvent pas aider en cas de difficultés ? Comment bien étudier lorsqu’on vit dans un logement trop petit, trop bruyant sans espace pour soi ?
-URGENCE « JUSTICE ET PRISON » : protéger les personnes
Les premières mesures annoncées par le gouvernement concernant la justice et les prisons nous semblent insuffisantes. Leur mise en pratique en montre assez les failles. La situation en établissements pénitentiaires est à apprécier avec une attention particulière en ce temps de crise sanitaire. Comme pour de nombreux secteurs, cette crise exacerbe les difficultés tant pour les personnels que les personnes détenues. La responsabilité de la gestion de crise ne peut reposer sur le comportement d’un chef d’établissement ou d’un magistrat, il faut des mesures claires des autorités publiques. Il est urgent de réduire drastiquement le nombre de détenus pour limiter les risques de crise sanitaire, qui met aujourd’hui en danger la vie de celles et ceux qui y sont condamnés et de ceux qui les côtoient.
-URGENCE « SPÉCULATION » : anticiper la crise économique à venir
L’économie mondiale entre dans une période de rupture qui sera particulièrement violente. Il faut dès maintenant prendre des mesures à la fois pour limiter l’impact de la volatilité des flux financiers sur l’économie et pour anticiper la désorganisation de l’économie productive qui aura lieu. Même si cette crise sera profondément différente de celle de 2008, nous avons suffisamment appris au cours des dix dernières années pour anticiper, et prendre des mesures rapides.