Conseil municipal du 17 novembre 2020 (2e partie) : Régression démocratique

Je poursuis l’examen des délibérations dans l’ordre où elles ont été présentées lors de la séance. Cet article est consacré exclusivement au règlement intérieur du Conseil municipal qui nous a pris un peu de temps ces dernières semaines.

Le directeur général des services nous a adressé un projet de règlement intérieur le 27 octobre. Une réunion a été organisée le 6 novembre en visioconférence avec la directrice de cabinet du maire, le directeur général des services et les trois présidents des groupes politiques, Joseph Delpic pour la droite, Christian Piccolo pour EELV et moi-même. Le texte était également inscrit à l’ordre du jour de la commission municipale « ressources et moyens » le 9 novembre. Puis il y eu divers échanges de courriels avec des propositions d’amendements communs déposées par les deux groupes d’opposition le 12 novembre, puis une réponse de la directrice de cabinet du maire reçue le 16 novembre.

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) précise que "dans un délai de six mois suivant leur installation, les Conseils municipaux des communes de 1 000 habitants et plus doivent adopter leur règlement intérieur. Cette formalité est imposée par la loi". Le règlement intérieur doit impérativement fixer les conditions d’organisation du débat d’orientation budgétaire, les conditions de consultation, par les conseillers municipaux, des projets de contrats ou de marchés, les règles de présentation et d’examen ainsi que la fréquence des questions orales, les modalités du droit d’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans les bulletins d’information générale diffusées par la commune. Le reste du contenu du règlement intérieur est fixé librement par le Conseil municipal qui peut se donner des règles propres de fonctionnement interne, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

Le maire a donc attendu l’extrême limite pour inscrire cette délibération à l’ordre du jour du Conseil municipal, puisque celui-ci, élu le 15 mars, a été mis en place le 23 mai, il y a 6 mois déjà…

Sous prétexte de toiletter le règlement intérieur du précédent mandat et de rendre plus lisible ce document, on nous a concocté un règlement avec le strict minimum de dispositions. Pour la majorité municipale, les réunions du Conseil municipal, le pluralisme des opinions et la vie démocratique dans notre ville apparaissent comme des éléments très secondaires. Sophie Rigault ne cesse de nous rappeler qu’elle est majoritaire (avec 18,33% des électeurs inscrits) et qu’à partir de là, c’est à la majorité de décider. Il n’empêche que la loi l’oblige quand même à préciser quelques règles de fonctionnement, notamment pour un minimum de transparence, mais aussi respecter le pluralisme des opinions au sein du Conseil municipal. Comparativement à ce que nous avons observé dans tous les autres villes de l’Essonne de plus de 15 000 habitants, le règlement intérieur qui a été adopté à Saint-Michel par la majorité municipale est incontestablement le plus verrouillé et le plus antidémocratique. Le maire s’est contenté d’intégrer 9 amendements incontestables et de pure forme sur les 26 que nous avions formulés. Non pas dans le but d’imposer notre conception de la démocratie locale (je vous renvoie à la charte éthique proposée par notre liste à l’occasion des dernières élections municipales), mais de rechercher un point d’équilibre pour faire vivre des débats démocratiques courtois et enrichissants pour tout le monde au service de l’intérêt général et des habitants. Il serait très fastidieux d’analyser ici dans le détail les régressions entre les 35 pages du précédent règlement adopté en 2014 (et déjà assez critiquable) et les 13 pages de la nouvelle version. Je développerai donc uniquement 3 aspects :

1/ La préparation des Conseils municipaux

L’article 6 du règlement intérieur prévoit qu’il est formé 6 commissions permanentes chargées d’étudier les questions qui sont soumises au Conseil municipal. Elles traitent des thématiques suivantes : solidarités ; petite enfance et enfance ; cadre de vie et développement territoriale ; développement durable ; sport, jeunesse, culture et vie associative ; ressources et moyens (finances, personnel communal, état civil…). Nos propositions d’amendements visaient à indiquer un délai minimum de convocation (5 jours francs) avant la tenue de la réunion, la transmission de notes explicatives de synthèse pour chaque point à l’ordre du jour et un contenu minimum pour les comptes-rendus (les personnes présentes, excusées ou absentes, les questions posées et les réponses apportées sur les notes explicatives de synthèse, les avis émis sur les projets de délibération et toute autres remarques évoquées en séance). Tout ceci a été rejeté au motif que "ces commissions ne sont pas obligatoires... Cela contraindrait l’organisation générale et pour faciliter l’organisation de la démocratie, il est souhaitable de garder une certaine souplesse" (réponse écrite de la directrice de cabinet du maire). Donc, en clair, Sophie Rigault nous dit, je fais ce que je veux, je réunis les commissions si je veux et peu importe vos avis, vos propositions ou vos questions, rien ne sera noté !

2/ L’expression des groupes politiques

Jusqu’à présent, dans le journal municipal, "Saint-Michel-ma-Ville" chacun des groupes politiques de la majorité comme de l’opposition disposait d’une "colonne de 150mm x 56 mm pouvant contenir au maximum 1 750 caractères" (article 41 de l’ancien règlement intérieur). Les deux groupes d’opposition demandaient le maintien de ce dispositif existant depuis deux mandats maintenant sous la droite. Eh bien non. La majorité entend se réserver la moitié de la page et les tribunes des groupes d'opposition seront réduites à 1/4 de page, "1 350 caractères maximum, espaces compris". La directrice de cabinet du maire nous écrit : "Le respect de la démocratie dans son application la plus stricte n’est pas négociable. Si les résultats des élections conditionnent le nombre d’élus, il convient également qu’ils conditionnent la place dont dispose chaque groupe au prorata de son score. Ceci a d’ailleurs été confirmé à maintes reprises par la jurisprudence".

Lors de la séance j’ai précisé trois points :

1/ La jurisprudence, comme la pratique, concernant la place dont dispose chaque groupe politique dans les bulletins d’informations municipales est très diverse et contradictoire.

2/ Le Code Général des Collectivités Territoriales ne prévoit explicitement cet espace d’expression que pour les groupes n’appartenant pas à la majorité. « Article L. 2121-27-1 : Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal sont diffusées par la commune, un espace est réservé à l'expression des conseillers élus sur une liste autre que celle ayant obtenu le plus de voix lors du dernier renouvellement du conseil municipal ou ayant déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale ». Cette disposition existe et s’applique donc depuis la loi du 21 février 1996. La majorité bénéficie déjà à Saint-Michel d’une expression (une page entière avec l’éditorial du maire et dans chaque numéro, plusieurs encarts avec "le mot de l’élu"), le tout agrémenté à chaque fois par une photo des élu-e-s concerné-e-s. De plus, la majorité municipale est totalement maître du contenu du journal, qui met en avant sa gestion, uniquement de son point de vue.

3/ Dans beaucoup de villes, la majorité respecte rigoureusement les termes de la loi, et l’espace d’expression est réservé aux seuls groupes d’opposition. Dans d’autres villes, les différents groupes d’opposition sont traités à ÉGALITÉ, avec le groupe "majoritaire" quel que soit les scores obtenus aux élections. J’ai pris l’exemple de la ville d’Évry Courcouronnes : il existe 4 groupes d’opposition, dont trois ont une représentativité électorale. Pourtant, chacun d’entre eux dispose d’une colonne (1/5 de page), tout comme le groupe de la majorité qui a obtenu 54,78 % des suffrages exprimés.

3/ La démocratie locale

Nous avions proposé d’insérer dans le règlement intérieur un chapitre sur la démocratie locale, se limitant à deux articles :

"Article A : Le maire peut suspendre la séance du Conseil municipal pour donner la parole à un groupe d’habitant, à des représentants d’une association ayant son siège social dans la commune ou intervenant dans l’intérêt de la commune et de ses habitants".

Réponse de la directrice de cabinet : "Nous ne sommes pas favorables à cet ajout. D’une part, le Conseil municipal est un organe officiel de débats entre élus, et non une assemblée générale citoyenne. D’autre part, le maire reçoit tous ceux qui en font la demande sur rendez-vous".

"Article B : Il est présenté au minimum une fois par an une communication des travaux et des propositions du Conseil municipal des enfants et des Conseils de quartier. Chaque communication fait l’objet d’un débat sans vote".

Réponse de la directrice de cabinet : "Pour ne pas encombrer les séances, il est proposé de refuser ce point. En revanche, le maire enverra le rapport d’activités des services à l’ensemble des élus".

Les deux groupes d’opposition ont donc voté contre ce règlement intérieur qui constitue une véritable régression démocratique. Si vous souhaitez prendre connaissance de l'intégralité de ce document, n’hésitez pas à me le demander à l’adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

A suivre…