A propos de l’Afghanistan et des Afghans

On ne peut être qu’écœuré et révolté par les images venant d’Afghanistan. La débâcle de l’armée américaine et du régime qu’elle soutenait ont entraîné un vent de panique dans la population à Kaboul.

Des milliers d’Afghans ont foncé vers l’aéroport pour tenter de fuir dès qu’ils ont appris l’arrivée des talibans. L’armée américaine a abandonné ceux sur lesquels elle s’était appuyée pendant des années, mais aussi tous ceux qui craignent la dictature infâme des talibans.

Mais le plus révoltant est cette guerre, de plus de vingt ans, menée au prétexte de combattre le terrorisme et dont les populations d’Afghanistan ont été les premières victimes. L’armée américaine, avec le soutien de l’armée et la diplomatie française, prétendait combattre les talibans, ces bandes armées qui veulent réimposer leur dictature sur le peuple afghan et en particulier de la manière la plus ignoble et cruelle sur les femmes. Mais ce sont les dirigeants américains eux-mêmes qui les ont fabriqués de A à Z. À la fin des années 1970, ils ont financé et armé les milices islamistes qui combattaient l’occupation soviétique en Afghanistan. Ces milices se sont retournées contre eux, au point de parvenir une première fois au pouvoir. Mais après en avoir été chassées, les vingt ans d’occupation militaire américaine les ont remises en selle, et les revoilà au pouvoir.

Alors qu’ils ont dépensé des milliards de dollars dans cette guerre, les États-Unis ont été incapables d’organiser le sauvetage de quelques milliers d’Afghans. Qu’aurait coûté la mise en place d’un pont aérien pour les sauver ? Une goutte d’eau en comparaison des sommes dépensées en bombes et autres engins de guerre.

Il n’y avait aucune illusion à se faire quand on voit que les États-Unis ne sont même pas capables d’aider la population haïtienne qui se trouve à quelques centaines de kilomètres des côtes américaines et vient d’être frappée par un tremblement de terre. Tout comme, ils n’ont pas été capables de l’aider, il y a dix ans lors du précédent tremblement de terre qui avait fait 200 000 morts et détruit toute la capitale d’Haïti. Là encore, une infime partie de l’argent dépensé par l’armée américaine pour tuer, détruire et incendier en Afghanistan aurait suffi pour rebâtir ce petit pays, le plus pauvre du continent américain, et ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, même partiellement.

Dans cette guerre d’Afghanistan, l’armée français a joué un rôle de larbin. Au plus fort de la participation de notre armée il y a eu 4000 Français sur place et 89 y ont laissé la vie pour obéir aux ordres. Il faut rappeler aussi qu’au Mali, l’armée française mène depuis des années une guerre avec le même prétexte de lutter contre le terrorisme, avec les mêmes souffrances infligées aux populations locales et le même résultat prévisible.

Tout ce qui se passe en Afghanistan nous concerne aussi parce que les dirigeants occidentaux qui sont les premiers responsables du chaos là-bas vont s’en servir. À peine les talibans avaient-ils remis un pied à Kaboul que Macron et d’autres dirigeants politiques agitaient le spectre d’une nouvelle vague migratoire qu’il faudrait stopper. Les propos d’Emmanuel Macron appelant à "anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants" après la chute de Kaboul entre les mains des Talibans sont indignes de la tradition française de l’accueil et de l’asile. Indigne comme l’abandon des Afghanes et Afghans qui ont servi comme personnel civil de l’armée française de 2001 à 2014, accueillis au compte-gouttes par la France malgré les déclarations et promesses de François Hollande et d’Emmanuel Macron et à qui la France refusait encore il y a quelques semaines la délivrance de visas malgré leurs cris d’alerte. Indigne comme les atermoiements pendant des années pour accorder des visas aux milliers de membres de familles des Afghanes et Afghans à qui la France a accordé la protection. Indigne comme le harcèlement par la police dont sont victimes les exilé-e-s afghan-e-s dans les rues de nos villes. Indigne comme les campements de la honte régulièrement détruits par les forces de l’ordre. Indigne comme les renvois forcés de plus de 6000 Afghans par la France entre 2004 et 2020.

Aucune frontière n’arrêtera ces êtres humains qui fuient la mort et veulent sauver leur vie et celle de leurs enfants. Un point de vue humain élémentaire voudrait qu’ils puissent s’installer là où ils le souhaitent et, pour certains, rejoindre des amis ou des membres de leur famille qui ont déjà émigré. À présent l’honneur commande que tous les auxiliaires des administrations françaises et des personnes sur place, et leur famille soient ramenés en France s’il le souhaitent.

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